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La stimulation médullaire : les mécanismes sous-tendant le traitement de la douleur neuropathique

Référence

 

Marchand S. Spinal Cord Stimulation (SCS) Analgesia: Substantiating the Mechanisms for Neuropathic Pain Treatment. Pain. 2015

 

Ce mois-ci, dans PAIN, un article a retenu notre attention. Il s’agit d’un long commentaire de Serge Marchand à propos d’une étude dont nous nous ferons prochainement l’écho. Ce commentaire a valeur d’Éditorial tant il cerne avec pertinence les problématiques auxquelles la stimulation médullaire est aujourd’hui confrontée. Le chercheur canadien considère qu’une meilleure compréhension des mécanismes de la SME tant au niveau spinal que des centres supérieurs devrait déboucher, à terme, sur une meilleure sélection des indications de SME.

 

L'article et le commentaire

 

Le recours à la stimulation électrique du système nerveux périphérique dans le traitement de la douleur est très ancien et remonte à l’utilisation des anguilles électriques il y a plusieurs milliers d'années 1. Notre compréhension moderne des mécanismes de la stimulation électrique dans le soulagement de la douleur débute avec la théorie du portillon selon laquelle la stimulation sélective des afférences non-nociceptive (Aß) inhibe les afférences nociceptives (A et C) par l'activation des interneurones inhibiteurs de la substance gélatineuse des cornes postérieures de la moelle épinière 2. La stimulation nerveuse électrique transcutanée (TENS) a été développée pour déclencher cette analgésie endogène par une stimulation périphérique. Le développement de la stimulation de la moelle épinière (SME) découle du même mécanisme 3 et consiste en l'implantation d’une l'électrode épidural en regard des cordons postérieurs au niveau spinal du dermatome sur lequel l'effet analgésique est recherché. Ce mécanisme de la SME — basé sur le même postulat neurophysiologique que le TENS — est néanmoins plus complexe, car cette stimulation appliquée sur les cordons postérieures recrute d’autres afférences de la moelle épinière vers les centres supérieurs, implique des circuits de neurones locaux et même des fibres des cornes antérieures 4. Cette stimulation de la moelle épinière a été utilisée dans différents types de douleur avec un peu plus de 50% des patients soulagés d’au moins 50% de leurs douleurs 5. Ces résultats doivent néanmoins être replacés dans leur contexte puisque, habituellement, il s’agit d’une thérapie de dernier recours lorsque tous les traitements conventionnels ont échoué. La sélection des patients demeure déterminante dans le succès de la SME 5,6 . Cependant, même si l’on cerne précisément un grand nombre de facteurs tels la localisation de la douleur, son type, son intensité, sa durée, les antécédents chirurgicaux, les éventuels bénéfices secondaires, l'âge, le sexe, la durée de ce suivi, le type d’électrodes, tous les résultats montrent, presque toujours, un soulagement de la douleur d’environ 50% chez, à peu près, 50% des patients. Cela signifie, de toute évidence, que l’on doit rechercher d’autres éléments prédictifs de l'efficacité de cette SME. Dans cette perspective, il pourrait être intéressant d’établir des liens entre les mécanismes d'analgésie mis en jeu dans la SME et ceux, neurophysiologiques, impliqués dans les différents types de douleur chroniques. Il pourrait s’agir, par exemple, de l’enregistrement de l’activité spinale (réflexes-RIII nociceptifs) et corticale (potentiels évoqués somatosensoriels (PES). Certains travaux ont en effet permis de démontrer que les réflexes RIII préservés associés une activité de PES réduite (absence de déafférentation) seraient de très bons indicateurs de la réussite d’une SME 7. Recourant à des procédures similaires, d’autres chercheurs ont montré que la SME possédait des effets spinaux, supraspinaux et sympathiques tant sur les afférences nociceptives que non-nociceptives 8 . Ces résultats, mais aussi ceux d’autres équipes sur les mécanismes de SCS, seront importants pour nous permettre de mieux caractériser ces patients qui présentent un déficit spécifique en fonction de leur type de douleur neuropathique.

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Fait intéressant, la recherche récente sur l'identification des mécanismes impliqués dans divers types de douleur chronique souligne le rôle crucial des mécanismes excitateurs — comme la sommation temporelle (ST) — en comparaison de ceux inhibiteurs — telle la modulation conditionnée de la douleur (MCD) — et aide à prédire la réponse à certains traitements pharmacologiques spécifiques. Ainsi la ST, mais pas la MCD, semble être un bon prédicteur de l’efficacité clinique d'un anticonvulsivant (prégabaline) dans la pancréatite chronique 9 tandis qu'une diminution de la MCD paraît être un bon indicateur de l'efficacité d'un antidépresseur (duloxétine) 10. Ces résultats, qui demandent à être confirmés, montrent que ce type d’approche serait utile afin d’identifier la nature du mécanisme mis en jeu suivant la douleur chronique et, ainsi, conduire à une meilleure sélection des traitements.

 

Récemment les travaux d’Eisenbert et al. ont évalué l'effet de la SME sur la sensibilisation centrale provoqué par la SME grâce à la mesure de ST. Cette hypothèse provient de modèles animaux ayant démontré que la SME permettait de réduire l'activité des « wide-dynamic-range neurons » connues pour être impliquée dans la sensibilisation centrale des douleurs neuropathiques 11. Dans cette étude, les auteurs ont montré que la SME diminuait la perception de la douleur clinique d'environ 50% et, fait intéressant, la ST a été significativement diminuée durant la SME mais exclusivement pour la jambe touchée. Ces résultats tendent à confirmer une réduction de la sensibilisation centrale par la SME. Néanmoins, il n'y avait pas de relation entre l'efficacité clinique et l'effet sur la ST, réduisant la probabilité qu’il existe un lien clair entre la SME, la sensibilisation centrale et la douleur clinique. Plusieurs explications possibles à cette discordance, premièrement, le faible échantillon de patient dont la puissance statistique a pu faire défaut pour détecter un lien entre la ST et la douleur clinique. Deuxièmement, cela peut signifier, aussi, que la SME agit sur la douleur — clinique et expérimentale — par des mécanismes variés. Néanmoins, ces résultats tendent à confirmer que l'efficacité de la SME dans la réduction de la douleur neuropathique est très probablement liée à un effet direct sur la sensibilisation centrale mesurée par la TS.

 

D’autre part, plusieurs études confirment la possibilité que des mécanismes supraspinaux puissent être impliqués dans la SME 6,12-14 . Il devient alors important d’évaluer l'effet placebo de ces approches en raison de la forte attente des patients et du désir de soulagement. Comme différents auteurs le soulignent, un design en double aveugle est difficile en raison de la perception des paresthésies. Malgré tout, il reste possible d’avoir un groupe contrôle contre placebo, cela a pu être réalisé dans la stimulation thalamique 15. Ces études menées avec des groupes contrôles placebo ont donnés des résultats discordants 16-18. De nouvelles études paraissent donc nécessaires afin de montrer la supériorité de la SME sur la stimulation placébo. Elles devraient montrer que la SME affecte — et est affecté — par le contrôle des centres supérieurs via les composantes émotionnelles de la douleur. Cela nous permettrait d’élargir notre compréhension de ces phénomènes complexes mis en jeu dans la neuromodulation.

 

Nous avons besoin de plus d'études, comme celle d’Eisenberg et al, sur la relation entre la SME et la modulation endogène de la douleur, afin d’accroître notre compréhension des phénomènes. A terme, cela devrait nous permettre d’établir de meilleurs critères de sélection des patients basés sur une évaluation clinique simple mais précise.

 

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