Le traitement d’une coccygodynie ne peut s’envisager qu’une fois sa cause connue. Il repose sur trois techniques majeures : l’injection, la manipulation et la chirurgie. Les techniques mineures (coussins spéciaux, modifications des sièges...) apportent une aide supplémentaire.
JY Maigne
La pratique d’injection péri-coccygiennes était connue bien avant nos propres travaux et leur efficacité n’était pas négligeable.13,14,15 Nous avons, le premier, décrit une procédure intra- discale sous contrôle fluoroscopique et avons précisé comment sélectionner le disque à injecter. Nous avions décrit ces injections intra-discales avant même d’avoir imaginé la pratique de clichés dynamiques, sur l’hypothèse que la cause des coccygodynies devait être analogue à celle des lombalgies et provenir majoritairement des disques (sacro ou inter- coccygiens). Nous avions alors pratiqué des injections intra-discales de lidocaine (un anesthésique local) sous contrôle fluoroscopique chez une vingtaine de patients, afin de prouver notre hypothèse. Les résultats de ce simple test diagnostique avaient été positifs et nous avaient encouragé à le compléter d’une injection de stéroïde. Par la suite, nous n‘avons utilisé la lidocaine que pour l’anesthésie locale péri-coccygienne.
Technique de l’injection intra-discale
Une telle injection ne peut raisonnablement se faire que sous contrôle fluoroscopique. Le patient est allongé sur le côté gauche, hanches et genoux fléchis. Le disque à injecter doit être identifié par deux moyens complémentaires. Le premier est celui des clichés dynamiques. S’il y a luxation ou hypermobilité marquée, il n’y a pas de doute. Si l’hypermobilité est modérée, ou si les clichés sont normaux, il faut s’aider de la palpation soigneuse du coccyx, depuis l’extrémité inférieure du sacrum à la pointe du coccyx pour repérer la zone la plus douloureuse (ou dont la pression reproduit le mieux la douleur familière du patient). Celle-ci est alors marquée d’un repère métallique (nous utilisons un trombone déplié) qui permet, sur le moniteur, de vérifier le disque auquel elle correspond. En ajustant sa position sur la ligne médiane exactement en regard du disque, on identifie le point d’insertion de l’aiguille. L’extrémité du repère est remplacée par un trait de feutre, puis la peau est désinfectée à l’alcool iodé. Une anesthésie locale est faite grâce à une fine aiguille sous-cutanée.
Une fine aiguille de 25 mm est introduite au centre du disque. Chez les patients obèses, une aiguille plus longue est nécessaire (50 mm). Cette mise en place n’est pas toujours facile. L’aiguille peut buter sur de petits ostéophytes ou dévier de son trajet pour se trouver en position latérale par rapport au coccyx (le film de profil la montrant faussement au centre du disque). Il faut aussi éviter de la pousser trop vers l’avant car l’espace de sécurité avant la paroi rectale postérieure n’est que de 5 mm. Nous avons l’habitude d’injecter 1 à 2 dixième de mL de produit de contraste afin de réaliser une discographie. Ceci permet de vérifier le positionnement de l’aiguille et, dans certains cas, de reproduire la douleur familière du patient. Ce dernier signe ne nous semble cependant pas très fiable. L’examen se termine avec l’injection d’environ 2 mL d’acétate de predisolone. Les suites immédiates sont pratiquement indolores. Nous n’avons pas observé de complication (sur plus de 2000 injections), mais une allergie à l’iode, une infection, voire une ponction de la paroi rectale, sont théoriquement possibles.
Technique de l’injection de la pointe
L’injection de la pointe est indiquée lorsqu’un spicule est présent ou, en l’absence de ce dernier, lorsque la pointe est la région la plus sensible et qu’il n’y a pas d’anomalie sur les clichés dynamiques. Sa technique est la même que celle de l’injection intra-discale. En revanche, les suites sont parfois douloureuses pendant quelques jours.
L’injection est souvent lente à agir, surtout en cas d’injection de la pointe. Ce n’est qu’après trois semaines que l’on peut évaluer son effet. Cet effet se maintient en général jusqu’au troisième mois, date à la quelle il est bon ou excellent dans 75% des cas.16 Après trois mois, les résultats peuvent se dégrader et une rechute survenir chez environ un tiers des patients. En cas de rechute, il est logique de proposer une deuxième injection. Si elle est plus longtemps efficace que la première, le traitement par infiltrations a de bonnes chance de guérir le patient.
Dans le cas contraire (moins bon résultat la deuxième fois), il vaut mieux renoncer aux infiltrations et proposer un autre traitement. L’efficacité globale du traitement par injection est de 65% de bons et excellents résultats à un an, ce qui en fait pour nous le traitement conservateur de première intention. Nous le réservons aux coccygodynies chroniques (plus de 2 mois). Les luxations répondent un peu moins bien (50% de bons résultats) et les spicules donnent les meilleurs résultats (80% de bons résultats). .
Le traitement manuel est le plus ancien traitement de la coccygodynie. Les techniques de base sont le massage des releveurs,17 la mobilisation du coccyx en extension18 et l’étirement des releveurs.19 Elles se pratiquent par voie rectale, à raison de trois à quatre séances en deux semaines en moyenne. Notre étude a montré que le taux moyen de succès de ces techniques manuelles était de 25% à six mois, résultat qui se maintenait à deux ans.19 Une deuxième étude comparant traitement manuel et placebo, terminée mais non encore publiée, montre que le traitement manuel est légèrement supérieur au placebo (dont l’efficacité n’est nette que chez 15% des patients) et que la différence est significative. Les résultats du traitement manuel varient avec la cause de la coccygodynie. Les patients avec lésion radiologique (en particulier instabilité : luxation ou forte hypermobilité) obtiennent les moins bons résultats (15 à 20% de succès, à peine plus que le placebo). Ceux avec un coccyx sans anomalie de mobilité ont les meilleurs résultats (30% de bons résultats environ). Ceci est logique. Les luxations et les hypermobilités sont des lésions anatomiques qui sont en elles-mêmes (surtout si la lésion est sévère) source de douleur, la manipulation n’agissant que sur la composante musculaire (tension douloureuse), qui revient très vite.
Deux autres facteurs pronostiques apparaissent : l’ancienneté des troubles (moins la coccygodynie est ancienne, mieux le traitement manuel marche) et la tonicité du sphincter anal (plus il est tonique, meilleur est le résultat).
Ci-dessous :
Trois techniques manuelles. En haut à gauche, celle de Thiele, la plus ancienne (massage interne des muscles releveurs de l’anus, s’insérant sur les bords latéraux du coccyx). A droite, notre technique personnelle, un étirement léger des releveurs, sans action sur le coccyx lui-même. En bas, la technique de R. Maigne, mobilisant le coccyx en pleine extension.
La coccygectomie a longtemps eu mauvaise réputation, malgré les bons résultats publiés dans la littérature. Ceci était lié, à notre avis, à l’absence de critères objectifs pour sélectionner les patients. En introduisant un critère facilement identifiable grâce aux radiographies dynamiques, l’instabilité (terme englobant luxations et hypermobilité), nous avons pu faciliter la sélection des cas à opérer et améliorer ainsi les résultats de l’intervention.20 La coccygectomie s'adresse donc exclusivement aux instabilités invalidantes, non soulagées par d’autres moyens. Elle apporte de bons et excellents résultats dans plus de 90% des cas. L'amélioration apparaît au deuxième ou troisième mois, parfois seulement au bout de six à dix mois. Dans quelques rares cas, il faut un à deux ans avant la guérison définitive. Ce long délai pourrait être attribuable à la présence de douleurs de déafférentation (syndrome du membre fantôme). Un contexte d’accident de travail ou de conflit médico-légal est péjoratif. De même, les patients avec instabilité, mais n’ayant pas répondu du tout à l’injection intra-discale sont plus à risque de mauvais résultat.
Nous avons récemment élargi les indications de la coccygectomie aux spicules mal tolérés, à condition qu’il y ait eu une réponse positive à l’injection (mais que le soulagement ait été de trop courte durée, moins d’un mois par exemple). Les résultats sont en cours d’évaluation. L’intervention consiste à réséquer la portion instable du coccyx. En cas de spicule, c’est son extrémité distale qui est réséquée en même temps que l’on retire le sinus pilonidal associé. L’intervention est réalisée sous anesthésie générale par une petite incision dans le pli inter- fessier. La face postérieure du coccyx est exposée et la dissection de fait au contact de l’os. Malgré les précautions d’asepsie per et postopératoire ainsi qu’une antibioprophylaxie de 48 heures, l’infection complique 2 à 3% de nos interventions. C’est la seule complication que nous déplorons sur près de 150 opérés et elle n’a jamais eu de conséquence sur le résultat final
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L’intervention est réalisée sous anesthésie générale. Le patient est installé en position genu pectoral. La région est lavée à la bétadine et l’opérateur repère avec le pouce la pointe du coccyx afin de définir les limites de son incision. Celle-ci, dans tous les cas, doit s’arrêter avant le pourtour de la marge anale dont la pigmentation est différente. Parfois, lorsque le pli interfessier est profond, il est commode de maintenir les fesses écartées par deux ban- des adhésives. Le tracé de l’incision est vertical médian dans le pli interfessier, d’environ 6 cm de long et distant d’au moins 4 cm de l’anus. Après badigeonnage, les champs opératoires sont collés au plus près du tracé. Le champ du bas doit être collé de façon à exclure complète- ment la région anale du site opératoire. Le site opératoire est recouvert d’un film adhésif. La peau est incisée au bistouri jusqu’au tissu graisseux et quelques hémostases sont faites. Puis la dissection est poursuivie au bistouri électrique en direction du coccyx repéré au doigt. Le premier plan traversé est un tissu cellulo-graisseux, puis le bistouri électrique sectionne le plan fibreux péricoccygien et prend contact avec la face postérieure du coccyx. Un petit écarteur autostatique est placé au fur et à mesure de la progression et l’exposition des limites supérieure et inférieure se fait à l’aide d’écarteurs de Farabeuf. Au bistouri électrique, la face postérieure du coccyx est détachée de haut en bas du plan fibreux ; de même les bords latéraux du coccyx sont libérés au bistouri électrique qui reste toujours au contact de l’os. A ce stade il faut décider le niveau de résection coccygienne en appréciant, soit au doigt, soit avec une pince, la zone de mobilité anormale. Le plus souvent celle-ci est située entre C1 et C2, et plus rarement entre C1 et le sacrum. L’ablation de la portion mobile se fait en passant à travers la zone de mobilité anormale: avec une pince on exerce une traction sur la portion mobile, et au bistouri électrique on sectionne les élément fibreux du disque intercoccygien. Tout en continuant à exercer une traction à la pince sur le segment coccygien, le bistouri électrique détache les élément fibreux latéraux, puis, avec précaution, les élément fibreux antérieurs en restant intimement en contact avec la face antérieure du coccyx. La face antérieure du coccyx est ainsi décollée de haut en bas de la cloison recto-coccygienne. Cette progression se fait très prudemment en exerçant une traction permanente sur l’os afin de rester à distance de la paroi rectale. Arrivé à la pointe, le segment coccygien se détache complètement. La portion osseuse proximale, c’est à dire le plus souvent C1 et parfois la pointe sacrée sont régularisées avec une curette et une pince gouge afin d’obtenir un os spongieux mousse. Après lavage au sérum bétadiné, la fermeture se fait sur un drain de redon. Nous avons fermé les 30 premiers cas en trois plans : deux plans profonds au fil résorbable et un plan cutané au fil de nylon. Pour les 31 cas suivants la fermeture s’est faite en un seul plan cutané. Le pansement est réalisé très méticuleusement. Il faut bien séparer la cicatrice opératoire de la marge anale. Ceci se fait en plaçant la bordure adhésive du pansement au fond du pli interfessier entre la partie inférieure de l’incision et l’anus.
Une antibioprophylaxie de 48 heures est instituée avec une céphalosporine de deuxième génération.
Vingt deux patients ont été revus au-delà de 30 mois, 31 entre 24 et 30 mois, 4 entre 18 et 24 mois et 4 entre 12 et 18 mois. L’évaluation du résultat a été purement fonctionnelle.
Tous les patients ont reçu un questionnaire dans lequel on leur demandait de quantifier quatre éléments :
L’amélioration de la douleur par rapport à la douleur préopératoire avec une quantification en 4 niveaux ;
L’évaluation du bénéfice sur la qualité de la vie avec quantification à 4 niveaux ;
Le niveau de la douleur sur les dix derniers jours en position assise sur une échelle visuelle analogique : celle-ci a été faite en pourcentage avec 0 correspondant à l’absence de douleurs et 100 à la présence d’une douleur intense ;
L’évaluation de la douleur au cours des activités quotidiennes avec un score sur 10 points.
A partir de ces données, les résultats ont été classés en quatre catégories :
Très bon si tous les critères suivants sont présents :
- amélioration de la douleur de plus de 75% ;
- amélioration de la qualité de la vie de plus de 75% ;
- niveau de douleur en position assise les dix derniers jours inférieur à 20% sur l’EVA ;
- score de la douleur dans les activités quotidiennes compris entre 0 et 2.
Bon si tous les critères suivants sont présents :
- amélioration de la douleur de plus de 50% ;
- amélioration de la qualité de vie de plus de 50% ;
- niveau de douleur en position assise était entre 20 et 30% sur l’EVA ;
- score de la douleur dans les activités quotidiennes compris entre 1 et 3.
Moyen en cas d’amélioration de la douleur entre 25 et 50% quels que soient les autres résultats.
Mauvais si l’amélioration de la douleur est inférieure à 25% quels que soient les autres résultats.
Les résultats sont les suivants : 37 très bons (60,66 %), 16 bons (26,2 %), 1 moyen (1,64 %) et 7 mauvais (11,5 %). Ainsi on obtient 86,86 % de bons et très bons résultats. Tous les patients sont satisfaits de leur cicatrice.
Pour l’ensemble des patients soulagés, l’obtention du résultat définitif a été assez lente et l’évolution s’est faite de façon régulièrement progressive, sauf dans 6 cas où est apparue une exacerbation passagère de la douleur vers la troisième semaine sans aucun signe d’infection.
Le résultat définitif pour les patients améliorés a été obtenu entre le 1er mois et le 12ème mois postopératoires avec une moyenne de stabilisation à 6 mois.
Quatorze des patients classés dans les très bons résultats ressentent une gêne après deux heures de station assise. Le type de celle ci est différent de la douleur précédant l’intervention. Par contre cette gêne est occasionnée pour certains patients par des sièges durs et pour d’autres par des sièges mous. De plus, deux patientes se plaignent de gêne lors de la pratique de la gymnastique en décubitus dorsal, deux de discrètes brûlures au niveau de la cicatrice et une d’une gêne en courant.
Neuf patients classés bon résultat, se plaignent d’une douleur en position assise prolongée mais celle-ci est d’intensité bien moindre par rapport à celle précédant l’intervention. Six patients se plaignent d’une gêne à l’assise sur fauteuil mou et un autre d’une douleur lors- qu’il ne se « tient pas droit » et qu’il attribue à des lom- balgies préexistantes. Une patiente est gênée en allant à la selle quand elle est constipée.
Le patient classé résultat moyen présente une douleur en position assise d'intensité moindre que celle précédant l’intervention qui apparaît de un quart d’heure à une demi-heure après le début de la station assise.
Pour ce qui est des patients classés mauvais résultat, un se dit aggravé par l’intervention et quatre ont des antécédents de dépression. Tous prennent des antalgiques de façon systématique. La patiente se disant aggravée ne présente pas la même symptomatologie après l’intervention : elle se plaint de crises de sciatalgies bilatérales insupportables. Un diagnostic de pathologie psychiatrique à type d’hystérie a été porté plus tardivement.
Les 86,86% de bons et très bons résultats rejoignent les taux de réussite des publications des 20 dernières années. Il est à noter que nous n’avons qu’un perdu de vue dans notre étude contre 10 pour Hellberg (5), 12 pour Bayne (1) et 15 pour Postacchini (11). La disparition des douleurs en postopératoire est très variable mais en moyenne assez longue et les patients sont prévenus de ce délai. Les quelques cas d’exacerbation des douleurs à la troisième semaine correspondent probablement à une reprise trop précoce des activités. Elles n’ont pas influencé le résultat final. Le questionnaire détaillé du résultat laisse apparaître une représentation anecdotique des résultats moyens. Les patients se disent finalement satisfaits ou non. L’étude des satisfaits montre toutefois que globalement 2 sur 3 sont améliorés de plus de 75% sur le plan des dou- leurs et de la qualité de vie, et 1/3 de plus de 50%
Les taux d’infection postopératoire publiés vont de 6,15 à 16,6%. Notre taux d’infection de 14,7% est élevé et en particulier très supérieur au 8,1% de la revue des 37 premiers patients (9). Cette augmentation correspond à une vague d’infection coccygienne survenue dans l’an- née qui a suivit le changement d’hôpital de l’opérateur. Une enquête a été menée pour expliquer cette brutale augmentation des infections. Les éléments suivants ont été envisagés :
Reprise trop précoce de l’activité : deux patientes avaient repris leur activité ménagère dès le retour à domicile. Globalement, les patients de la période où le taux d’infection a été élevé, sont retournés à leur domicile le 4ème ou le 5ème jour, alors que dans la série des 37 premiers patients, l’hospitalisation était d’une semaine.
modification du recrutement des patients : en fait, seul un patient avait un facteur de risque inhabituel. Il s’agis- sait d’une poussée d’hémorroïdes 48h avant l’intervention ;
Mauvaise réalisation des pansements : il est possible que le changement d’équipe soignante et la moindre vigilance de l’opérateur pour qui l’intervention était routinière puissent être en cause ;
Raccourcissement de l’antibioprophylaxie : les méthodes du nouvel hôpital étaient en faveur d’une antibio- prophylaxie courte en flash et cette modification a concerné 4 cas d’infection postopératoire. Les 37 premiers patients avaient eu une antibioprophylaxie de 48 heures.
On peut considérer la coccygectomie comme une chirurgie de classe II dite chirurgie « propre contaminée » car il s’agit d’une situation où il y a une « rupture minime d’asepsie » (4,12). Les protocoles d'anesthésie recommandent une antibioprophylaxie peropératoire pouvant s'étendre au plus à quelques heures après l’intervention 10). Dans la littérature, seul Bayne (1) s’est penché sur le problème de l’antibioprophylaxie qu’il n’a pas utilisée pour les patients de sa série. Dans la mesure où il a eu 16,6% d’infection il conclut que celle-ci est nécessaire. Cependant son expérience diffère de la nôtre par le fait qu’il a eu affaire à des germes gram négatif et que seul un des 10 patients infectés de sa série a eu un résultat satisfaisant.
Notre expérience semble indiquer que l’antibioprophylaxie de 48 h est la mieux adaptée à ce type de chirurgie, quoique nous ne puissions pas prouver que le raccourcissement de l’antibioprophylaxie est le seul facteur responsable du pic d’infection.
Lors des reprises chirurgicales, les cicatrices ont été fermées en un seul plan pour éviter de laisser des corps étrangers en milieu septique. La surveillance clinique et la revue de ces patients ayant montré à distance que l’évolution était comparable aux patients non infectés, nous avons jugé que les fils résorbables sous cutanés étaient inutiles et peut-être des points d’appel d’infection et nous ne les utilisons plus. Au total, depuis cette série d’infections postopératoires nous avons adopté pour les coccygectomies le protocole suivant : fermeture de la cicatrice en un plan cutané ; antibioprophylaxie de 2 jours ; drainage de 3 jours ; pansement initial fait par le chirurgien qui est présent à la réalisation du panse- ment quotidien les 3 premiers jours et hospitalisation d’une semaine avec prescription de repos complet d’en- core une semaine lors du retour à domicile. Nous n’avons pas de certitude sur le ou les éléments déterminants de ce protocole mais cette stratégie a nettement diminué le nombre d’infections.
L’utilisation de colle chirurgicale sur la série de 50 patients en cours d’étude a, par la suite, réduit encore le nombre d’infections. Parmi les deux cas récents, l’un avait eu une poussée d’hémorroïdes postopératoire.
L’infection est la seule complication précoce. Neuf pa- tients (14,7 %) ont eu une infection dans les suites opératoires. La plupart des infections se manifestent secondairement par un écoulement à la partie supérieure de la cicatrice alors que le reste de la peau est cicatrisé. L’infection est annoncée par une majoration de la douleur postopératoire qui prend un caractère lancinant. Tous les malades présentant cette complication ont été réopérés par le même chirurgien. La date moyenne de reprise était de 11,6 jours avec des extrêmes allant de 5 à 30 jours. Le protocole opératoire est le suivant : re- prise de la voie d’abord avec excision des berges de la cicatrice ; ablation de tous les fils sous cutanés ; curetage prudent des berges et lavage abondant au sérum bétadiné de la cavité ; fermeture en un seul plan à l’aide d’un fil non résorbable sur drainage aspiratif. Ce drain est retiré dans un délai de trois à dix jours en postopératoire, en fonction de l’assèchement des sécrétions et des cultures de liquide d’aspiration. Une antibiothérapie prolongée est associée. Celle-ci est délivrée par voie parentérale pendant 8 jours et comporte, en l’absence de germe identifié, une ampicilline associée à un aminoside. Elle était ensuite adaptée aux prélèvements bactériologiques réalisés. Par la suite, un relais par voie orale est institué pour une durée supplémentaire de 15 jours. Le germe le plus souvent trouvé est un staphylocoque doré (5 cas). La plupart des autres germes sont des saprophytes du tube digestif (enterococcus faecalis, streptococcus anginosus, escherichia coli, streptococcus agalactae et flore anaérobie). Dans un cas, un corynebacterium spp a été trouvé. Le résultats final de ces neuf patients est le suivant : 7 très bons résultats et 2 mauvais.
La seule complication tardive est un cas de bursite en regard du moignon résection qui s’est traduit par la ré- apparition tardive de douleurs à la station assise sans signe infectieux local ou général. Une IRM a mis en évidence un hypersignal liquidien. La douleur a régressé sous traitement anti-inflammatoire.
De 2002 à 2005, 50 résections coccygiennes pour diverses étiologies ont été réalisées avec une nouvelle procédure de fermeture cutanée (Fig. 5). Après la fermeture cutanée en un plan (points de Blair-Donati) la cicatrice est enduite d’une colle chirurgicale ( Dermabond® ). Ces patients sont en cours d’évaluation quant aux résultats sur la douleur, mais parmi eux seuls deux cas d’infection postopératoire ont été observés.
Nous avons dans tous les cas utilisé la même technique de résection : petite incision à distance de l’anus, abord direct de la face postérieure du coccyx, passage à travers le disque mobile et décollement antérieur dans le sens de Key (6), c’est-à-dire de haut en bas. A l’inverse, Gardner (3) procède en partant de la pointe et en décollant de bas en haut le coccyx de la paroi postérieure du rectum. Cette dernière façon nous paraît malaisée et dangereuse car aveugle. La plupart du temps l’instabilité est manifeste ; la portion coccygienne distale est très mobile voire complètement lâche. Au-dessus du niveau instable qui est le plus souvent C1-C2, la première pièce coccygienne est fusionnée ou fermement liée au sacrum. Lorsqu’au-dessus de C1-C2 instable, nous avons perçuau doigt une mobilité sacro-coccygienne, nous avons systématiquement réséqué C1. Ceci afin de ne pas avoir d’arrière-pensées sur l’implication de ce disque en cas d’échec.
Le pansement est un élément important de la technique et indispensable à enseigner. Il faut strictement séparer la cicatrice opératoire de la marge anale et pour cela il faut que l’élément adhésif se colle bien en premier au fond du pli interfessier. La plupart des pansements chirurgicaux se faisant en tractant le ruban adhésif, toute personne non informée réalisera un mauvais pansement avec le ruban adhésif qui passe en pont au-dessus du pli interfessier laissant la marge anale et la cicatrice en communication.
L’utilisation depuis 3 ans de la colle chirurgicale Dermabond® a permis sans doute de diminuer le risque de contamination de la cicatrice
Notre expérience montre l’intérêt de la résection coccygienne en cas d’instabilité rebelle au traitement médical chez des patients non impliqués dans des litiges. L’utilisation d’un abord chirurgical direct et limité et le respect des règles de prévention de l’infection du site opératoire en font une opération simple aux résultats prévisibles. La seule complication observée, c’est à dire l’infection, n’empêche pas d’obtenir un bon résultat.
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