Ce travail vise à évaluer les complications de la stimulation de la moelle épinière (SME) au travers d’une revue de la littérature. Outre les complications de cette technique cet article nous oriente vers des méthodes de prévention, de diagnostic et de traitement.
La migration de l'électrode apparaît comme la complication la plus courante (1,5 à 13,2%) et parait plus fréquentes avec des électrodes percutanées qu’avec celles chirurgicales. Une migration qui souvent peut être résolu par la reprogrammation du stimulateur, mais si elle échoue, abouti à un repositionnement chirurgical (3,8 à 23%). Plusieurs techniques d'ancrage sont décrites. L'infection est une complication potentiellement réductible plutôt associée à la procédure chirurgicale. Les taux d'infection rapportés (2,5 à 14%) semblent comparables à ceux des autres dispositifs de neuromodulation, les auteurs énumèrent les précautions visant à prévenir ces épisodes infectieux. D'autres complications sont examinées comme les ruptures d’électrode ou de câbles (3 à 9%), fuite de liquide céphalo-rachidien (0,3-7%), les douleurs au niveau du neurostimulateur (0,9 à 12%), les séromes ou hématomes sous-cutanées (9%), une paralysie transitoire inexpliquée (1,8%) et l'hématome épidural (0,19 à 0,9%).
En dépit de l'existence de plusieurs complications la SME peut être considérée comme une technique sûre avec des séquelles irréversibles très faibles en outre l'incidence de complications potentiellement mortelles sont extrêmement faibles. Le médecin doit être en mesure de reconnaître ces incidents durant le suivi. La majorité des complications peuvent être évitées — ou diminués — par l'exécution d'une technique chirurgicale aseptique rigoureuse ainsi que par une sélection stricte des patients avant l'implantation.
Cette revue de la littérature, bien documentée, permettra au praticien d’informer le patient avec précision — par des chiffres actualisés — des risques encourus lors de cette chirurgie planifiée. Les mesures préventives qui y sont détaillés méritent d’être relue par tous les praticiens réalisant ces procédures notamment celles visant à prévenir la survenue d’infection (antibiothérapie prophylactique, éviter d’implanter du matériel à l’aplomb des cicatrices, durée de la période test...).
Il est frappant de constater — comme souvent dans pareil type d’étude — l’écart important des taux pour une même complication. Les différences méthodologiques (études rétrospectives versus prospectives) et les variantes de matériels en sont une explication de même que les définitions utilisées.
Dr Marc Lévêque
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North RB, Recinos VR, Attenello FJ, Shipley J, Long DM (2014) Prevention of Percutaneous Spinal Cord Stimulation Electrode Migration: A 15-Year Experience. Neuromodulation 11 Fev 2014
Les électrodes percutanées de stimulation de la moelle épinière (SME) ont une propension à migrer longitudinalement ce qui peut représenter une complication — parfois coûteuse — pouvant compromettre l’effet thérapeutique. Par des modifications simples de la technique d'ancrage, ces migrations peuvent être éliminées.
Une série consécutive de patients a été analysée rétrospectivement. Initialement l’électrode percutanée était immobilisée par l’injection de < 0,1 cm3 de colle au niveau du manchon de silicone encrant l’électrode à l’aponévrose. Suite à la survenue entre 1998 et 2006 de migration avec des manchons courts, ces derniers ont été remplacés par des longs, d’aspect coniques. De 2007 à 2013, la technique a également été améliorée en pratiquant une incision aponévrotique accueillant la pointe de l'ancre et du matériel de suture plus résistant.
Dans la première série allant jusqu’en juillet 2007 et totalisant 291 patients dont le suivi moyen était de 4,75 ans (1,1-9) 4 migrations d'électrode (1,37%) ont nécessité une reprise chirurgicale. Seulement une électrode avait coulissé sur son point d'ancrage. Aucune migration n’a ensuite été déplorée dans la seconde série de 142 patients suivis jusqu’en 2013 dont le suivi moyen était de 2,86 ans, (0,10—5,45).
Les améliorations — simples et peu coûteuses — apportées à la technique ont permis d’éliminer la complication la plus fréquente de la SME.
Le risque accru de migration compte parmi les inconvénients importants des électrodes percutanées par rapport aux électrodes chirurgicales. Une étude 1 menée sur 9072 patients a montré que le taux de ré-intervention, après la sortie de l’hôpital — dans la majorité des cas pour corriger une migration — était de 16,2% avec les électrodes percutanées contre 9% avec celles chirurgicales. Les chiffres avancés par l’équipe de Baltimore apparaissent donc bien meilleurs y compris avant le recours à de nouveaux systèmes d’ancrage.
Ces résultats très satisfaisants ne sont pas seulement liés aux perfectionnements du matériel, mais aussi à l’expertise des implanteurs, l’équipe de North étant l’une de celles ayant la plus grande et la plus ancienne expérience dans ce domaine.
1. Babu R, Hazzard MA, Huang KT, et al. Outcomes of Percutaneous and Paddle Lead Implantation for Spinal Cord Stimulation: A Comparative Analysis of Complications, Reoperation Rates, and Health-Care Costs. Neuromodulation : journal of the International Neuromodulation Society. May 3 2013.
Dr Marc Lévêque
Kim CH, Green AW, Rodgers DE, Issa MA, Ata MA (2013) Importance of axial migration of spinal cord stimulation trial leads with position. Pain physician 16 (6): 763-768
La stimulation de la moelle épinière (SME) est aujourd’hui un traitement reconnu de la douleur chronique. Avant l'implantation définitive, des essais temporaires sont réalisés pour évaluer l’efficacité de la SME. Lors de cette période de test, il est fréquent que les patients éprouvent des modifications des paresthésies. Le but de ce travail est d’évaluer la participation de ces changements positionnels dans ces modifications de perception.
Chez les patients dont la phase test est concluante, des radiographies du rachis — en position assise et debout — ont été effectuées après une semaine de stimulation. Ces données d’imagerie ont ensuite été confrontées aux ajustements des paramètres de stimulation faisant suite à ces changements de posture.
Un recul moyen de l’électrode de 3,05 mm a été observé entre les positions debout et assise. La migration moyenne était de 2,85 mm chez les sujets nécessitant un ajustement de la SME en raison du changement de paresthésie, comparé à 3,24 mm chez ceux qui n’en ont pas eu besoin. Les résultats n’établissent pas de lien entre cette migration radiographique lors du changement de position assis à debout et la nécessité de modifier les paramètres (p= 0,17).
Cette étude tendrait à montrer que les modifications de perception lors des changements de position seraient davantage liées à un déplacement de la moelle épinière qu’à une migration de l’électrode.
Ce travail réalisé par des équipes américaines de Boston et de Ouest-Virginie nous éclaire sur le mécanisme expliquant les modifications de paresthésies en fonction des changements positionnels : cette différence serait davantage liée à un déplacement du cordon médullaire que de l’électrode (Figure 1).
Néanmoins l’effectif réduit de 24 patients nous incite à considérer cette conclusion avec prudence. On regrette également que ce travail n’est pas — en plus de la position débout et assise — cherché à évaluer le décubitus dorsal. En effet, nous savons que la position couchée est très souvent accompagnée d’une exacerbation des paresthésies parfois plus marquée qu’en position assise.
Dr Marc Lévêque
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Engle MP, Vinh BP, Harun N, Koyyalagunta D. Infectious complications related to intrathecal drug delivery system and spinal cord stimulator system implantations at a comprehensive cancer pain center. Pain Physician. 2013 May-Jun;16 (3):251-7.
L’administration intrathécale de médicaments (AIM) et les stimulateurs de la moelle épinière (SME) sont des dispositifs implantables pour le traitement de la douleur chronique notamment cancéreuse. Malgré des résultats favorables à long terme ces techniques sont associées à des complications infectieuses dans 2-8 % des cas et nécessite souvent une antibiothérapie prolongée voir le retrait du matériel. Les patients cancéreux sembleraient davantage vulnérables à ce type de complication en raison de leurs immunodépressions liées à la malnutrition et aux chimiothérapies.
Cette étude cherche à déterminer si les patients souffrant de douleurs cancéreuses ont une incidence plus élevée de complications infectieuses suite à l'implantation de systèmes d'AIM ou de SME comparé aux patients non cancéreux.
Une étude rétrospective a été menée sur les données en rapport avec les complications infectieuses des systèmes d'AIM ou de SME implanté au Anderson Cancer Center pour le traitement des douleurs cancéreuses et des douleurs chroniques. Les implants examinés concernaient la période du 15 Juillet 2006 au 14 Juillet 2009. En outre des informations relatives aux comorbidités et aux facteurs de risque périopératoire ont également été recueillies.
Cent quarante-deux dispositifs ont été implantés chez 131 patients au cours de cette période. Quatre-vingt-trois de ces appareils étaient des systèmes d’AIM et 59 de SME. Quatre-vingts pour cent des patients concernés étaient cancéreux. Quatre complications infectieuses ont été observées pour risque infectieux global de 2,8%. Le taux d'infection était de 2,4% pour les systèmes d’AIM contre 3,4% pour les systèmes de SME. Toutes les infections se situaient au niveau du stimulateur ou de la pompe. Le taux d'infection était de 2,7% pour les patients atteints de cancer contre de 3,3% chez non-cancéreux. Ni l'administration périopératoire d'antibiotiques prophylactiques (p=0,4), ni le niveau de risque du Réseau National de Surveillance des Infections Nosocomiales (NNIS) étaient statistiquement associée à des complications infectieuses (p=0,15). Le temps opératoire moyen était significativement plus long pour les cas d'infection à 215±93 minutes contre 132±52 minutes pour ceux sans infection (p=0,02).
L'expérience de cette institution démontre que les complications infectieuses après l'implantation de systèmes d’AIM et de SME demeurent des événements relativement rares. Contrairement à l’hypothèse de départ aucune différence n'a été observée entre le taux d'infection des patients cancéreux et celui non cancéreux. Le principal facteur associé à un risque accru de complications infectieuses est la durée du temps chirurgical.
La principale limite de cette étude est son caractère rétrospectif. L’autre faiblesse réside dans les 51 patients (38,9%) morts ou perdus de vue dans l’année. Ce biais est de nature à entrainer une sous-estimation des taux d'infection des patients cancéreux et expliqué cette conclusion plutôt contre-intuitive.
Dr Marc Lévêque
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